Vous aurez peut-être remarqué les remous que font depuis quelques jours (juillet2018) la querelle entre des médecins pratiquant l’homéopatie et les tenants de la médecine «scientifique». Ca en vient « aux mains » ou en tous cas à des plaintes au Conseil National de l’Ordre des Médecins.
Un peu à côté de ces querelles j’ai trouvé sur Twitter sous la plume électronique de Thierry Baubet @TBaubet le point de vue clair et humaniste d’un médecin psychiatre. (Références en fin de thread) Reproduit ici avec sa permission.
Les patients juxtaposent différents niveaux de réalités. Ils peuvent consulter à Sainte-Anne dans un excellent service de psychiatrie bio «scientifique», puis faire bénir leur maison et aller voir un magnétiseur pour se « rééquilibrer ». Les anthropos appellent ça l’«Itinéraire thérapeutique» (D.Fassin) : un moyen de construire un sens à ce qui n’en a pas : la maladie chronique, absurde, pourquoi moi, pourquoi maintenant…
Est-ce que ça aide ? Oui souvent, si les intervenants consultés encouragent la poursuite des soins médicaux en parallèle. Et c’est donc important que le patient puisse parler à son médecin – sans se faire rembarrer ou moquer – de ce qu’il fait à côté pour aller mieux. Le médecin pourra alors vérifier que le traitement médical n’est pas compromis, que les interventions proposées par les autres intervenants ne sont pas dangereuses. Et cela améliorera l’alliance thérapeutique. Si le médecin refuse d’en entendre parler ou est jugeant, le patient n’en parle plus, et ça se passe en sous-main, avec des risques de rupture de soin ou de mauvaise observance.
Les médecins sont attendus sur leurs connaissances médicales, et les patients, qui font bien la différence, viennent les voir pour ça. A mon avis, en l’absence de danger pour le patient, ils n’ont pas à valider ou à interdire l’utilisation de méthodes alternatives pour aller mieux tant que les soins médicaux peuvent se poursuivre et qu’il n’y a pas danger. En revanche ce ne devrait jamais être les médecins eux-mêmes qui portent ces méthodes alternatives non validées.
Ajoutons que ces stratégies d’itinéraires thérapeutiques ne concernent pas que les patients migrants. L’ensorcellement est fréquemment évoqué dans les campagnes françaises, et les femmes aisées de l’Ouest parisien se pressent chez les « marabouts » du 18ème…
Parfois les patients me demandent ce que je pense de ces méthodes alternatives qu’ils veulent essayer. Je leur conseille de fuir si l’intervenant :
a) demande des sommes exorbitantes
b) veut arrêter le traitement et conteste la PC médicale,
c) essaie d’isoler le patient de ses proches (emprise),
d) en veut à leur corps.
Donc à nous de connaître cette complexité de l’itinéraire therapeutique des patients pour mieux les soigner, notamment dans les maladies/plaintes chroniques, mais tout en restant à notre place de médecin.
Thierry Baubet. Psychiatre pour enfants et adolescents en Seine-Saint-Denis, Universitaire: Traumas, CUMP, psy transculturelle, migrations, réfugiés @aphp @univ_paris13 @inserm